• Je ne peux pas glisser doucement d'une relation à une autre. Des morceaux de moi se fragmentent et s'éparpillent, en volant ici et là. J'égare des morceaux essentiels de moi, un morceau s'éloigne de cet endroit de paradis, un morceau suit quelqu'un d'autre qui descend la rue tout seul, ou peut-être pas tout seul : quelqu'un peut prendre ma place à ses côtés pendant que je suis ici, ce sera ma punition, et quelqu'un prendra ma place ici quand je partirai. Je me sens coupable de laisser chacun d'eux seul, je me sens responsable de leur solitude, et je me sens deux fois coupable, à l'égard des deux hommes. Où que je sois, je me sens faite de plusieurs morceaux que je n'ose pas rassembler, pas plus que je n'oserai rassembler les deux hommes. Maintenant, je vais rester là où on ne me blessera pas, pour quelques jours au moins je ne serai pas blessée par un mot ou par un geste, mais je ne suis pas toute entière ici, seule la moitié de moi est à l'abri. Eh bien ! Sabina, en tant qu'actrice, tu as échoué. Tu as rejeté la discipline, la routine, la monotonie, les répétitions, tout effort soutenu, et maintenant, tu as un rôle qui doit se renouveler chaque jour, pour empêcher qu'un être humain ait de la peine. Baigne les yeux et ton visage désarmés, mets les vêtements de la maison, ce sont les siens, baptisés par ses mains, joue le rôle d'une femme entière, au moins tu as toujours souhaité l'être, après tout ce n'est pas un mensonge...


    ANAIS NIN


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    "J'en connais un rayon sur les grands magasins. J'attends sur ce rayon depuis la Saint- Glinglin mais personne ne veut de moi et pour cause. Qui voudrait d'un soldat rose ?", chante Mathieu Chedid, dit M, haut de forme, costume et guitare roses. 


     C'est un Joli spectacle présenté le 12 novembre dernier au Grand Rex, à Paris, et capté par France 2 pour Noël.


    OUI OUI France 2 vous propose une séance de rattrapage en rediffusant le conte musical dimanche 24 décembre à 20h50. R2glez donc vos magnétos dès maintenant! pour garder la trace de ce monde féerique et poétique.


    Achtung!Le Soldat Rose n'est pas seulement destiné aux enfants, mais à tous ceux qui le sont restés, et ils sont nombreux...


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  • Tete - Fils de cham (ce que j'écoutais juste avant d'envoyer mon texte)

    à quelques jours


    pas de sapin


    pas les boules


    pas de lumière


    pas de déco


    pas de moral


    pas de copain


    pas de copine


    et pas de famille


    d'accueil


    cauchemars de la veille:


    un revolver pointé sur moi


    une fille folle me poursuit


    et risque de tirer sur n'importe qui


    y compris moi


    un bateau fait naufrage


    quelque part


    j'essaye de sauver qqn mais


    j'échoue


    l'eau m'engloutit


    le téléphone sonne


    je n'arrive pas à décrocher


    mon papa est en colère


    il devient tout rouge


    a une crise


    et qqn me dit


    c'est à cause de toi


    ma soeur ne me parle plus


    elle est sur le toit d'une maison et


    veut se jeter du haut


    j'ai vu mon frère mais


    je ne me rappelle plus ce qui s'est passé


    juste que tout était négatif


    noir


    et puis je seraiia l'oreiller


    et me suis rendu compte que


    j'ai terriblement mal au ventre


    il est 9h moins dix


    dit la voix de la radio


    le café est en train de bouillir


    est-ce une bonne idée le café?


     


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  • Je vais vous parler en français, parce que vous autres, vous ne connaissez plus ma langue. Et c'est tant mieux. C'est une langue de pauvreté, de fatigue, d'hivers si longs à passer. Vous autres, vous parlez des mots confortables. Je suis heureuse de savoir que mes enfants vivants pourront parler à leurs propres enfants dans ce confort moderne. Ah oui je suis heureuse de savoir ça. Mais je ne m'en rends pas compte. Pour l'instant, je ne sais pas vraiment tout ça. Je ne peux qu'en rêver.
              Pour l'instant, et ce n'est pas un instant, c'est presque une semaine déjà que ça dure, je suis au lit, et je ne supporte plus rien. Plus rien à mes oreilles, mes yeux que je ne peux plus ouvrir, et rien et tant de choses à ce ventre où la douleur commence et revient, après avoir fait le tour de tout mon corps. Une semaine pour me débarrasser de cet enfant qui ne doit pas être. Et tant de doutes. Je suis jeune encore, elles me disent celles du Faux, et j'en aurai d'autres, des gosses. Peut-être. Sans doute. Mais si ça doit faire aussi mal, et même plus, à naître, alors j'en veux pas. Je ne peux pas le dire à Henri, que j'en veux pas. Déjà qu'il ne comprend pas : ça ne peut pas faire si mal. Pas au point de rester si longtemps couchée alors qu'il n'y a personne pour la traite. Seulement celles du Faux pour s'occuper des repas, du linge, du ménage. Il ne peut pas comprendre, alors il marche là, dans la maison vieille, et ses pas me mettent des larmes.
              La maison vieille, elle n'est pas vieille encore, puisqu'on n'a pas construit la neuve. C'est le pauvre Paul qui voudra la construire, la neuve. Mais Paul n'est pas né, il n'est pas mort. Il n'existe pas encore. Ni Rolland, ni la pauvre Nénotte, ni les autres. Aucun de mes dix enfants vivants ou morts. Juste cette douleur à mon ventre. Mon ventre qui devient tout mon corps, mon corps qui s'étire dans cette chambre, au point que marcher sur le sol c'est marcher sur mon ventre. Et la maison vieille est quand même pas bien commode. Le parquet, je voudrais l'arracher et le brûler. Les pas d'Henri dessus me sont insupportables. J'ai mal de partout quand il marche. Je crie mais sort, sort ! Il hausse les épaules, s'assoit près de moi, et commence son livre.
              Henri, il lit tout le temps, et fume. Son haleine chaude met de la buée sur la fenêtre prise dans la glace. Je regarde la glace, et la douleur me ramène encore à moi-même. Je me déteste. Je voudrais me passer de moi, et voir cette glace, je me dirais il fait froid. Mais il fait seulement mal, mal, si mal.

    Extrait de "Vous autres", texte inachevé, février 2005 © Emmanuelle Pagano

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    est-ce le froid qui me fait ça


    je souffre


    je suis tendue


    extrêmement


    on respire


    on expire


    on souffle


    mais je ne peux pas souffler!


    c'est ma dixième lettre de refus en deux semaines


    plus tard ouvrir ces lettres reviendra à prendre son café du matin


    et croire encore aux anges?


    FOUTAISES


    Punaises


    et je deviens vulgaire grave


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